série#07SDT.01

Prologue, où la fatigue et le froid règnent, et où l’on conclut dans une ruelle populeuse.

« Je suis fatigué ». L’homme à la peau rouge s’affairait autour du combattant allongé. Non loin, un cubardent illuminait le dessous d’une gamelle cabossée et faisait bouillir un brouet malodorant. Il le força à absorber une partie de la préparation, lentement, mais fermement. Le goût infect s’avalait avec difficultés. Le patient vomit abondamment et, au bout de ses écœurements, sembla recouvrer ses esprits.
«  Je suis blessé ?
— Non.
— J’ai été empoisonné ?
— Non plus. »
La boisson épaisse lui provoqua de nouvelles nausées, à lui tordre l’estomac.
« Qui es-tu ?
— Oh, moi… quelqu’un d’insignifiant. Nous avons bu hier, ensemble. »
Le combattant demeura allongé toute la matinée. Il tint à peine debout le reste du jour, vivotant. Son compagnon se maintint à proximité du cubardent, à tenter d’emmagasiner de la chaleur. Ils abandonnèrent la ruine au soir pour retourner à la ville, derrière les remparts. Il était risqué de sortir à la venue de la nuit. Les chiens de Lorth se montraient voraces pour les créatures qu’ils surprenaient lors de leurs raids. L’homme pista le combattant. En vérité, il emboîtait le pas du propriétaire du cubardent. Il en existait si peu en cette latitude si glaciale… Le lendemain, il s’agit pour l’homme d’armes de donner congé à son suiveur.
« Il faut arrêter de me talonner.
— J’ai froid.
— Et moi, j’étais fatigué hier, je sais. Je ne possède pas de remède pour toi. »
L’homme à la peau rouge jeta un regard appuyé vers la sacoche où était rangé le cubardent. Le combattant haussa les épaules et comprit.
« Tu peux m’accompagner et te réchauffer. Mais je ne peux rien d’autre pour toi.
— Je ne demande rien.
— On m’appelle Le Ténébreux. Je n’ai pas de pays, pas de maître, pas de désirs.
— Je n’ai pas de nom. Pour le reste, cela me convient. Permettez-moi de grappiller autour de vous, et puis laissez-moi me réchauffer de temps à autre. »
Les deux hommes s’enfoncèrent silencieusement dans la cité populeuse, bousculés par les marchands indifférents.

Saga du Ténébreux : prologue//Yves Letort ©
Illustration//Férid Khalifat ©

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