série#07SDT.18

Yves 18-Recit diligence 04

   Quatrième récit de la diligence

« Il ne sera fait injure à personne dans cette honorable assemblée si je rappelle combien la faune et la flore de notre monde ne sont pas originelles. Nos ancêtres ont créé la plupart des espèces errantes ici-bas. Il paraît que certaines sont restées inchangées comme, semble-t-il, les corneilles et les corbeaux dont il paraît que leurs ailes se sont agrandies naturellement. Comment cela se fait-il ? Je ne suis pas, quant à moi, traîneur de sabre, aventurier, au fait de ces choses. Même les camélides attelés à notre diligence ne ressemblent pas à leur ancêtre. Nous le savons, l’Ancien Monde était empli de prodiges, les êtres vivants paraissaient malléables et, au-delà du ciel, cela semble encore le cas. S’il en fallait témoignage, il me suffit de rappeler, mesêtres, le récit de l’honorable Simiane Palè, ici, dans l’inconfort de notre voyage. Pardonnez ce préambule long et encombré. Notre passé est si plein de prodiges qu’il suffit à rendre crédible ce que notre raison objecterait. Il se trouve, mesêtres, que l’ingéniosité de nos aïeux a réussi à concevoir des créatures vivantes en formes de pénis, tout à fait dociles et prêtes à rendre les mêmes services à une humanité en déshérence sentimentale. Faut-il le croire ? Nous avons eu vent de tant de prodiges… Pourquoi réfuter celui-ci ? Mieux encore, des esprits plus affairés à un certain décorum auraient doté ces créatures d’une autonomie accrue en leur procurant des ailes. Ainsi, vit-on des sexes voleter dans les lupanars, récompensant les plus habiles à les saisir en plein vol. Imagine-t-on des orgies, avec des filets, sous les voûtes des antiques palais et des bordels ? Une fois capturés, ces pénis aériens, tout à fait dociles, et avec les caresses adéquates, se montraient aptes à fournir un plaisir endurant à celui ou celle qui s’en emparait. J’ignore si tout cela est vrai, y compris la conjecture selon laquelle l’expression “Attention, le petit oiseau va sortir” date de cette époque. »
Le Ténébreux, enfin, se tut.

Saga du Ténébreux : épisode 18//Yves Letort ©
Illustration//Férid Khalifat ©

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